Récits d'habitants, Ungersheim
Ungersheim : un village en traditions et transition
Pour notre troisième étape, nous nous sommes arrêtées à Ungersheim, un village alsacien en pleine transition écologique. Notre démarche a été différente de celle dans les autres étapes car malgré un intérêt certain de la part de la municipalité, la caravane est arrivée en même temps que d’autres événements comme la traditionnelle fête du Cochon et les foires voisines de Colmar et Mulhouse.
Noyé dans les multiples activités environnantes, l’Atelier est plutôt passé inaperçu mais il n'était pas pour autant un intrus. Le maire lui-même était présent à notre arrivée et a ensuite pris le temps de faire une visite commentée du village. Cette exploration nous a permis d’avoir une première approche des différentes dynamiques en place.
Sur la place principale où était installée la caravane, nous avons rencontré peu d’habitants, tous occupés à la fête du cochon se déroulant au niveau du complexe sportif. Nous avons très vite ressenti qu’il ne fallait pas s’imposer aux gens s’ils ne venaient pas à notre rencontre. Ainsi il y a eu une certaine mise à distance de la caravane-atelier face au village. Nous avons décidé de devenir des exploratrices anonymes et sommes allées à la rencontre des habitants.
A la fête du cochon nous avons rencontré Florette, une habitante très engagée dans la vie du village. Elle a été un intermédiaire essentiel et nous a permis de rencontrer de nombreux habitants actifs au sein du village. Comme Roland, trésorier de la fête du cochon et de la monnaie locale appelée le « radis », qui est aussi président de la société d’Histoire « Les amis du vieil Ungersheim ». Puis Madame Alice, l’une des doyennes du village qui nous a invité à manger chez elle pour parler de son histoire, sa vie dans le village.
Notre démarche s’est portée sur l’observation et notre intervention s’est tout de suite orientée sur le documentaire. Nous avons d'ailleurs croisé la journaliste et écologiste Marie-Monique Robin, auteur du documentaire « Sacré croissance » diffusé à l’ONU, qui était en plein tournage d’un film entier consacré à Ungersheim. Son intervention a pour but annoncé de documenter les initiatives écologistes du village, portées par le maire depuis près de 25 ans. La journaliste donnant une vision cadrée sur les mesures écologiques, nous avons trouvé intéressant de montrer une parallèle différente, sans prétention, qui mette l’emphase sur le regard des habitants sur leur propre village.
Les récits habitants comme source documentaire
Le choix du regard des habitants comme point d’entrée documentaire nous a semblé évident puisque depuis le début de notre travail, la parole et le récit sont au cœur du processus de réflexion. Nous avons choisi de collecter cette parole à l’aide d’un dictaphone car notre expérience des étapes précédentes avait montré que la vidéo était compliquée. Nous avons rencontré et enregistré seize habitants en deux jours.
Pour placer ces récits dans un même référentiel, nous avons préparé les journées d’entretiens comme on préparerait une expérience scientifique. L’équipe s’est divisée en deux pour aller recueillir la parole des habitants et la démarche a été la même pour les deux binômes afin que les résultats soient comparables. Nous aurions pu poser des questions fermées afin que les réponses des différentes personnes soient un échantillonnage uniforme. Mais nous avons plutôt proposé des thèmes ouverts pour accueillir toutes les histoires et leurs dérives pour obtenir une grande richesse de réponses.
Les particularités du village émanant des entretiens avec les habitants
Les initiatives écologistes
Avec la ferme volonté d’entamer une transition écologiste à l’échelle locale, le village a lancé en parallèle plusieurs initiatives qui tendent à revenir à la Nature ou à utiliser des énergies propres. Les habitants ont conscience d’habiter un village pas comme les autres. Les enfants parlent banalement de Richelieu, le cheval de trait qui les amène en calèche à l’école ou des légumes bio produits par la commune qu’ils mangent à la cantine chaque jour. Les adultes savent que le village a sa propre ferme photovoltaïque et que les nouveaux habitants s’installent dans des maisons à énergie passive. D’autres encore savent que les légumes invendables ne sont pas jetés mais qu’ils sont transformés à la conserverie et vendus sous forme de soupe et de ratatouille.
Roland parle du « radis », la monnaie d’Ungersheim qui a été mise en place en 2013 pour maintenir l’économie locale. Il y a aussi la piscine de l’école chauffée à l’énergie solaire, l’éco-musée d’Alsace voisin, le tri sélectif poussé… Tout cela fait maintenant partie de la vie du village et depuis si longtemps que les Ungersheimois en ont fait un mode de vie.
La fête du cochon
Depuis 48 ans, il existe dans le village une célébration qui mobilise des centaines de volontaires du village et draine de nombreux visiteurs pendant deux semaines. Des repas, des jeux, des événements sportifs ou encore une fête foraine de jour comme de nuit permettent de grands moments d’échange et de solidarité. Et c’est bien de cela dont il est question car le fonctionnement lui-même de cette fête est à l’origine des différentes associations du village.
Chaque année elles se réunissent pour organiser cet événement et se partager les bénéfices qui leurs permettrons de fonctionner le reste de l’année. Selon les habitants, c’est une véritable tradition qu’ils ne rateraient pour rien au monde tandis que certains habitants de villages voisins ne trouvent pas la fête à leur goût.
Pour ceux qui viennent, il y a ceux qui sont là pour manger une shiffala et des spaetzles et passer un bon moment et il y a ceux qui préparent la fête, épluchent les pommes de terre, lavent les salades, sont derrière le bar, portent les lourds plateaux de service en bois… Tous dépensent une énergie folle à se relayer pour faire vivre la fête du cochon.
La place du village, «Dörfplatz»
La fête du cochon ayant été déportée du centre vers le pôle éduco-sportif du village, la place s’est retrouvée privée de sa populaire kilbe. Mais en dehors de cela, quels sont les usages de cette place ? Est-elle active et comment est-elle perçue ? Elle a déjà la particularité, non évoquée par les habitants mais remarquable en termes d’architecture, d’être traitée en espace partagé. Ces notions aujourd’hui à la mode dans la fabrication de la ville, sont ici réalité depuis 17 ans. Le sol favorise les mobilités douces et brouille le passage automobile pour ralentir son flux. En dehors de ces dispositifs permanents, l'atelier a pu remarquer qu’il y a un stand de fruits et légumes bio du jardin du Trèfle rouge de la commune le vendredi matin, que la boulangerie, le coiffeur, la poste et la mairie sont les principaux attraits du lieu et qu’il ne se passe plus beaucoup d’événements, surtout depuis que le café restaurant a fermé.