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TRAVAILLER AVEC DES MATÉRIAUX DE RÉEMPLOI


Le point de départ du projet était d’investir sur le savoir-faire des personnes plutôt que sur des matériaux neufs. Souvent vécue comme une contrainte, l’économie de moyens peut être source d’une nouvelle éthique. À l’image de la réflexion de Gilles Clément qui a proposé de «faire avec et non contre», les dispositifs architecturaux mis en place se sont donc basés sur les matériaux disponibles et les savoir-faire proches. Pour mener à bien ce projet, il a fallu fédérer des compétences, pour cela nous avons travaillé avec un atelier de menuiserie associatif et participatif, un designer spécialisé dans le domaine du bois et deux menuisiers. De la collecte des matériaux jusqu’au montage de la scénographie, le projet a puisé sa richesse dans l’équipe et s’est nourri des contraintes liées au réemploi.

PHASE 1 - Récolte de matériaux et conception de la scénographie

La scénographie devait permettre de travailler, d’exposer, de partager, de vivre les questions du patrimoine urbain. Le cahier des charges, les divers échanges avec les futurs usagers et un travail en plan ont permis de lister les éléments suivants à fabriquer :


- Tables et assises pour les étudiants et les élus
- Supports d’exposition pour les travaux des étudiants
- Espace de rencontre, forum
- Support d’exposition pour les oeuvres du photographe Ulrich Lebeuf
- Signalétique en collaboration avec le graphiste Yann Ott
- Régie son et lumière
- Point impression et ressources
- Module d’accueil, stock et distribution des journaux de la Biennale

Chaque semaine nous avons récupéré des matériaux issus de déchets d’entreprises, de fabricants, de scieries ou encore de chantiers. De nombreuses entreprises paient pour l’enlèvement de leurs rebuts industriels, aussi le fait de récupérer ces déchets représente un avantage. Le système de collecte fonctionne puisque les deux parties sont gagnantes. Cela permet de mettre en place des liens durables et d’obtenir des ressources régulières. Certains matériaux sont plus ponctuels et amènent de la diversité. Pour ce projet d’envergure, il était important d’identifier des gisements de matériaux en adéquation avec les besoins. La matière première récoltée au fur et à mesure est à l’origine du projet.

C’est par un processus de conception inversée que les différents éléments ont été imaginés. La matière est alors la source du travail, influence la forme, le mode de fabrication des éléments et leur quantité. Le projet répond à un cahier des charges précis, le caractère variable de la ressource demande en compensation de l’ingéniosité et du bon sens pour que correspondent besoins et réalités.

PHASE 2 - Reconditionnement des matériaux récoltés avec l’aide de bénévoles

 

Au-delà de la conception, l’enjeu était aussi de construire cette scénographie. Des bénévoles ont été conviés à participer à la fabrication des différents éléments de mobilier. Dans un principe de co-conception, plusieurs workshops ont été réfléchis et mis en place, particulièrement durant la phase de reconditionnement. En effet cette phase qui reste simple en termes de savoir-faire a permis la participation du plus grand nombre. Le bénéfice était donc double, les volontaires ont permis une avancée rapide et efficace de la production tout en acquérant des connaissances liées à l’architecture, au design et aux métiers d’art. Chacun a pu se saisir des outils pour faire, nous avons travaillé aux côtés des bénévoles et tout le monde a été mis sur un même pied d’égalité, le système hiérarchique habituel se voyant bouleversé.

Ce travail a d’ailleurs été l’occasion de se questionner sur l’intégration de matériaux de réemploi dans nos modes de production actuels. En effet, même si cette matière première est peu coûteuse voir gratuite, son reconditionnement nécessite de nombreuses heures de main d’œuvre. L’investissement se place davantage sur la valeur «travail», rendant cette pratique économiquement équivalente à l’achat de matériaux neufs.

PHASE  3 - Fabrication des dispositifs architecturaux
 

Le point central de la conception était d’avoir une scénographie modulable dans l’espace mais aussi que tous les éléments puissent être installés et démontés en peu de temps. Il s’agissait donc de produire des éléments légers, faciles à stocker et pouvant répondre aux différents événements : workshops, conférences, tables rondes, rencontres littéraires, exposition photos, PechaKucha, slow-dating... et aux différents usagers : une équipe de régie, un carnettiste, 250 étudiants et encadrants, 150 intervenants, des élus, des bibliothécaires, des visiteurs, des familles et des flâneurs.

En prenant en compte l’évolutivité et la multifonctionnalité nécessaire des espaces, la conception s’est portée naturellement sur une architecture alvéolaire et modulable.  Nous nous sommes tournés vers des structures légères qui ont pris la forme de paravents avec des remplissages en bois ou en métal.

Pour gagner en efficacité et en qualité durant la phase d’assemblage des paravents, les compétences d’un menuisier de la région ont été convoquées. Nous nous sommes déplacées dans son atelier et avons posé nos valises quelques jours pour travailler à ses côtés. Le temps nécessaire pour être formé aux différentes machines et acquérir les bons gestes. Une relation d’écoute, de partage et de confiance s’est instaurée. Tels des apprentis, nous avons suivi les instructions données par la main de l’artisan. C’est dans cet échange entre maître et apprentis que des savoirs et savoir-faire ont été légués. Et c’est par la pratique que des connaissances ont été acquises.

Nous avons donc imaginé une «ruche» pour accueillir les différents temps de la biennale. La disposition des paravents a été réfléchie pour permettre la composition de plusieurs alvéoles, lieux d’effervescence créative. La scénographie a ainsi pu créer divers rythmes et bourdonnements dans l’immense salle du Quai des Savoirs, l’architecture s’est mis au service des dynamiques collaboratives des workshops et autres événements.

Le nombre de paravents et la disposition de ceux-ci ont été décidés en fonction des besoins des 250 étudiants répartis en 10 ateliers. La répartition des paravents a été cruciale afin de créer à la fois des alvéoles intimes pour travailler et à la fois des cellules ouvertes aux visiteurs pour discuter.

À partir d’éléments simples tels que des tables, chaises et cimaises, les occupants ont redoublé de créativité pour habiter les lieux et rendre compte de leur travail. Certains utilisent les composants de leur espace pour afficher les études effectuées en amont de la biennale tandis que d’autres mènent leur projet sur place avec leur encadrant. Tous cohabitent et échangent, ils doivent le plus souvent partager leurs cimaises et s’accorder sur leur disposition. Les tables sont tantôt des espaces de travail tantôt des présentoirs. Les panneaux ajourés ou pleins donnent libre cours à l’appropriation de chacun.

La ruche s’est articulée autour d’une arrête centrale composée de l’architecture gonflable conçue par Hans-Walter Müller «la bulle», de la régie fabriquée avec des poutres treillis en bois et du «forum», un espace privilégié pour la convivialité et la rencontre. Ce dernier a été au centre de toutes les attentions, les agencements et les structures s’y sont relayés tout au long de la biennale. En effet, les différents temps de rassemblement se sont déroulés dans ce lieu. Finalement, c’est en piochant dans les dispositifs architecturaux présents dans la salle du Quai des Savoirs que les différentes scénographies ont pu se succéder.

Tout au long de la biennale, ces réagencements permanents ont fabriqué de nouveaux espaces pour de nouveaux usages, tout en préservant un lien tacite entre les différents usagers. Par exemple, les tables où les étudiants ont présenté leurs travaux ont été utilisées lors des ateliers des élus créant ainsi une rencontre imprévue entre eux.

Le mouvement des mobiliers exprime toute la pertinence du choix d’une architecture modulable. Une architecture adaptable aux situations la rendant ainsi «durable» pour un événement éphémère.

COMPOSITION DE LA SCÉNOGRAPHIE

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